Auteur: Vision & Global Trends – 19/02/2021
DONGBA: la dernière écriture pictographique encore en usage
19.12.20 > 11.04.21
Musée Champollion – Les Écritures du Monde
Partenaires de l’exposition:
- Galleria Otto, Rome, Italie
- Lijiang Teachers College, Lijiang, Chine
Ville de Figeac, Occitanie – France
L’exposition présente un panorama complet de la culture Dongba à travers une collection de manuscrits, de peinture sacrée, de costumes et d’instruments de la culture divinatoire dongba jusqu’aux plus importants pionniers de la création contemporaine de style Dongba.
Les Naxi forment une des 56 minorités ethniques reconnue par la République populaire de Chine et forme la société originale vivant principalement dans les provinces du Yunnan (au pied de la montagne Yulong dans le district autonome de Lijiang), du Sichuan et de façon plus dispersée dans la région autonome du Tibet. Les prêtres-chamanes Dongba (« Ceux qui savent ») sont les premiers dépositaires des savoirs traditionnels et sacrés des Naxi. Se transmettant de maître à apprenti les savoirs et coutumes, les Dongba ont retranscrit les danses et chants rituels accompagnant plus de 130 cérémonies ainsi que leurs mythes et légendes au moyen de pictogrammes. Désormais, la transmission de la culture dongba aux jeunes générations ne s’opère plus de manière traditionnelle mais au sein d’écoles d’apprentissage et par la réintroduction de cérémonies dans certains villages. Les manuscrits dongba, principal support de ce qui constituerait la dernière écriture pictographique au monde, ont été inscrits par l’UNESCO en 2003 au registre « Mémoire du monde ».
Entretien avec Astrid Narguet, commissaire de l’exposition
Qu’est-ce qui a orienté votre choix sur cette thématique d’exposition ?
Le choix de la thématique de l’exposition me semble très actuel dans le sens où il s’inscrit dans le besoin de spiritualité et de signification, d’union entre l’être humain et le cosmos de nos sociétés modernes.
La culture dongba est vivante et vitale, l’écriture pictographique, ses rites et traditions sont toujours présents dans la vie quotidienne des Naxi. J’aime faire le rapprochement avec la religion égyptienne et ses « statuts vivantes » capables de s’animer selon les rites magiques qu’on leurs appliquent.
En effet, l’exposition « Dongba : des pictogrammes naxi a l’art contemporain » nous fait découvrir une culture unique au monde avec l’écriture pictographique. Cette écriture traduit l’inconscient de l’homme dans la réalité de la vie par l’intermédiaire des prêtres dongba qui avec la maitrise de l’écriture des images, nous offrent la clé symbolique du monde.
Le monde pour les Naxi est le temple de toutes les manifestations du sacré, c’est pourquoi le rapport entre l’homme et la nature est un élément fondamental de leur culture.
Aujourd’hui les enjeux de l’homme avec l’environnement sont majeurs pour le futur et se plonger dans la magie de l’espace sacré dongba à travers l’écriture des images me semble en symbiose avec la mission du Musée Champollion et l’ère du temps présent afin de mieux aborder le moment historique car le temps, l’évolution, les mutations nous ont fait naturellement ce que nous sommes.
Quelles sont les spécificités de la culture Dongba ?
Les spécificités de la culture dongba sont développées dans les différentes sections de l’exposition, elles sont en quelques mots : les manuscrits dongba principal support de ce qui constituerait la dernière écriture pictographique au monde, classée par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité en 2003, les cérémonies rituelles dongba avec leurs objets de culte et évidemment l’art contemporain qui joue quant à lui un rôle fondamental de transmission dans la société moderne naxi et reflète la prise de conscience des artistes concernant un patrimoine toujours menacé d’extinction.
Quel rapport à l’écriture possède cette culture ?
Le rapport est symbolique, le symbolisme de l’image dans la réalité, dans chaque parcelle du quotidien, jusqu’aux pictogrammes de bonnes augures sur les portes des habitations. Le pouvoir de l’écriture.
Il est intéressant de réfléchir sur ce dernier point. En effet, nous vivons dans un environnement technologique de l’image reflétant le rythme frénétique de notre culture de consommation alors que l’image symbolique naxi est riche de sens et d’éternité. Elle a permis la survie de la culture dongba jusqu’à nos jours. Le rapport à l’écriture naxi lui permet un autre regard sur le monde et sur sa signification.
Quels sont les enjeux de la transmission de cette culture aujourd’hui ?
Les Naxi entre modernité et tradition : Dans le contexte de modernisation fulgurante , la transmission de la culture dongba reste un enjeu de première importance. Tout d’abord, on assiste actuellement à la recrudescence de l’intérêt des chercheurs du monde entier, d’institutions culturelles chinoises et étrangères ce qui permet de garder une vision positive de la conservation de la culture dongba.
Personnellement, je crois que l’art contemporain dongba jouera un rôle fondamental de transmission dans la société moderne permettant la prise de conscience collective concernant un patrimoine exceptionnel toujours menacé d’extinction mais que les Naxi continuent de faire VIVRE.
Les artistes contemporains sont le lien entre la tradition et le modernité, tout comme Zhang Chun He, l’un des pionniers de la peinture contemporaine dongba, qui réalisa à Lijiang, une sculpture monumentale de 200 mètres de long, représentant l’œuvre la plus significative de la tradition dongba, c’est-àdire la Route Sacré qui conduit l’âme vers l’au-delà.
Le Musée Champollion – Les Écritures du Monde, l’aventure des écritures
Créé en 1986, initialement dédié à Champollion et à la civilisation égyptienne, le musée s’étend et s’agrandit en 2007 pour s’intéresser à l’aventure des écritures du monde. Les collections présentent une histoire longue de 5 300 ans depuis les premières tablettes d’argiles jusqu’à l’écriture de l’ère numérique. Le musée entraîne non seulement le visiteur sur les pas de Champollion mais il lui propose également les clés pour s’inscrire lui-même dans cette grande aventure. Ainsi, il s’interroge sur la place de l’écrit dans la société au travers de sa riche collection.